comités de 2019

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Voici les textes qui ont été dans un premier temps présélectionnés et qui ont été analysés en comité de lecture entre le mois de janvier et juin 2019.

 Textes analysés en comités de lecture

Janvier 2019 

  • Pénélope texte de Hubert Jegat

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

  • L'Homme venu du Fleuve, texte de Pierre Astrié

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

  • Ma Voix, texte de Thibault Dorey Fogacci

Texte non retenu

Février 2019 

  • Nous autres Antipodes, texte de Marie-Claude Verdier

Texte retenu

  • Baptiste Pearnacker, texte de Mathias Jung

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

  • Fox, Chasseur d'étoiles, texte de Eléonore His

Texte retenu

Mars 2019 

  • A une Encablure du Styx, texte de Louise Caron

Texte retenu

  • Le Sourire de Rodin, texte de Gaëtan Faucer

Texte retenu

  • La Solitude n'est plus une maladie honteuse, texte de Fany Carenco

Texte non retenu

Avril 2019

  • Ecocide, texte de Tristan Choisel et Michèle Enée

Texte retenu

  • Le Dîner des Extrêmes, texte de Jean-Pierre Pelaez

Texte non retenu

  • Hansel et Gretel, texte de Fany Carenco

Texte non retenu

Mai 2019

  • Meute/Une Légende, texte de Caroline Stella

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

  • San Besoin d'Assistance, texte de Yann Jalaber

Texte non retenu

  • Trois petits Déjeuners, texte de Philippe Patois

Texte non retenu

Juin 2019

  • Performances, texte de Anna Jachim

Texte retenu

  • Les Roses blanches, texte de Sarah Pèpe

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

  • La dernière Nuit de Rosa Luxembourg, texte de Michel Caron

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

Septembre 2019

  • Rivages, texte de Rachid Akbal

Texte retenu

  • Brice Gouberte ou la Quête du magnifique Néant, texte de Xavier Legall

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

  • Not Koko's Notes, texte de Edouard Elvis Bvouma

Texte retenu par les trois lectrices/lecteurs

En lice pour l’Éclat de Cœurs 2020

Vous trouverez ci-dessous pour chaque texte retenu, des extraits des fiches de lecture rédigées par les lectrices et lecteurs du Comité.

Juin 2019

 

Performances

 

De Anna Jachim

 

Genre : Drame

Personnages : 3 F / 3 H

Thèmes :             La folie

La maladie mentale, la famille, les relations au sein d'une famille, la culpabilité, la solitude, les artistes maudits, l'art dans la maladie mentale, l'endoctrinement, la fausseté du jugement...

La fable

« Un frère et une sœur, autrefois fusionnels, échangent par téléphone ou messages téléphoniques au sujet d’un évènement mystérieux et traumatisant survenu il y a 20 ans. Pierre prétend être épié et persécuté. Il accuse sa sœur Marie et leurs parents de l’avoir abandonné aux mains de médecins … »

« Par téléphone interposé entre ELLE et LUI, on assiste au développement de la paranoïa de LUI au bord du suicide, alors que c’est ELLE qui est là, présente, et qui souffre de maladie psychiatrique depuis la mort de LUI. »

« Pierre, adolescent fragile et mal dans sa peau, a rencontré un homme Goran qui l'a pris sous son aile en lui expliquant la vie par le biais d'idées mystiques renforcées par la prise d'alcool, de drogues en particulier de LSD. Il s'est éloigné de sa famille et s'est réfugié dans un autre monde avec un groupe d'amis en dépensant beaucoup d'argent. Le 15 avril 1989 il est secouru alors qu'il venait de se jeter dans la Seine. Revenu à lui il est resté dans un grand délire et ses parents, sur les conseils des médecins de l'hôpital ont donné leur accord pour qu'il soit hospitalisé en Psychiatrie. Une 1ère tentative de sortie de l'hôpital a échoué après qu'il ait tenté d'étrangler son père qu'il accusait de l'avoir volontairement éloigné de sa mère pour l'avoir pour lui tout seul. Il a été à nouveau hospitalisé, traité par de puissants neuroleptiques qui ont considérablement endommagé ses capacités de réflexions et aboli ses souvenirs. 7 ans après cet évènement, il a cherché l'aide de sa sœur, Marie, en essayant de lui expliquer ses impressions, ses sensations et ses questionnements. Il est persuadé qu'il est actuellement poursuivi par des individus qu'il nomme "ILS" et qui veulent récupérer un tableau qui contiendrait toutes les vérités du monde. Sa sœur a essayé de l'écouter, de le rassurer puis de le raisonner mais insensible à ses arguments il a continué à les accuser elle et ses parents d'avoir volontairement détruit sa vie… »

Ce que j’en pense

« Impossible de classer ce texte. Impossible de trouver un fil auquel se raccrocher.

Impossible de faire le lien entre le titre et le texte.

L’épilogue m’a bouleversée et ramenée à la réalité. J’ai été happée par ce texte, par sa belle écriture, par sa folie ou plutôt la folie qu’il développe. La folie est partout.

Finalement, c’est un texte ou malgré la présence de deux personnages, ELLE et LUI (le frère et la sœur), il n’y a qu’un seul personnage qui reprend et répond aux paroles d’un interlocuteur téléphonique.

Ce procédé littéraire m’a surpris, il est très intéressant et c’est surtout à lui que je me suis attachée. J’ai cherché en vain à trouver un nom à cette figure de style.

La forme est au service du fond, on devient presque fou en lisant cela car la paranoïa envahit tout. On est encerclé, persécuté, bousculé, balloté. Pas facile à lire.

L’épilogue met tout parterre, c’est une vraie surprise, à la façon d’une nouvelle à chute.

Malgré la difficulté, ce texte m’a intéressée. »

 

« J'ai été happée par ce texte qui ne s'est pas laissé apprivoiser facilement et qui recèle encore pour moi certaines zones d'ombre mais il faut bien que je me lance.

Malgré les recommandations de l'auteur qui me dit que les dates précises n'ont pas beaucoup d'importance, j'ai eu besoin à la 2e lecture de me faire un petit croquis de la chronologique de l'histoire parce que l'auteur me ballade dans le temps par le biais très original de messages sur un répondeur téléphonique ou de conversations téléphoniques dans lesquelles une seule personne serait présente sur le plateau. L'auteur fait la proposition de suivre les échanges des deux personnages par le truchement des réponses ou des questions de ce personnage féminin.

L'écriture très vive et très rythmée par moment est soutenue par des effets de style tels que des silences ou des répétitions qui donnent une puissance particulière aux conversations.

J'ai l'impression que les indications de l'auteur pour accompagner les dialogues sont comme une partition musicale dans laquelle il se plait à y insérer toute une palette d'émotions. J'imagine bien comment des comédiens pourraient prendre plaisir à interpréter ces rôles.

La pièce est construite un peu comme un puzzle. Au fur et à mesure de la progression dramaturgique, des pièces se mettent en place et pourtant tout est chamboulé dans la toute dernière partie.

Sous une forme plutôt inattendue et originale, on est quand même avec ce texte dans un système assez classique : il y a une action qui est dévoilée relativement tard dans le texte, on nous explique ce qui a amené l'action et tout au long du texte on nous parle de tout ce qui découle de cette action. Puis de manière complètement inattendue, l'épilogue nous donne une clé de compréhension qui crée évidemment un effet de surprise qui enrichit la totalité du texte. »

« J’aurais aimé savoir/comprendre ce qui est réel et ce qui est fantasmé.

 Je n’ai pas aimé être maintenue ainsi dans l’ignorance. Du coup, cela ne m’a pas touchée.

Je n’ai pas compris pourquoi ce titre « Performances » et je reste circonspecte quant au propos de cette pièce. Je n’imagine pas qu’une mise en scène même habile puisse sauver une écriture peu claire, a fortiori avec un ou deux personnages scotchés au téléphone. »

 

Christine, Marie-Claude, Michèle P

 

 

Les Roses blanches

 

De Sarah Pèpe

Texte en lice pour l’Eclat de Cœurs 2020

 

 

Genre : Drame familial

Personnages :   8 F / 6 H (Certains personnages féminins ou masculins peuvent changer de genre en fonction de la distribution, NDLA)

Thèmes :             Tout le réseau thématique de la pièce est constitué du thème de la violence familiale et des conséquences sur le devenir d’un enfant et sur sa construction d’homme, avec les regards que la famille proche, les amis et la société civile portent sur les victimes (femme et enfant).

 

La fable

Une mère célibataire, quittée par le père de son enfant Stéphane, se remarie avec un homme que tout l’entourage apprécie, les grands parents, les voisins, les amis. Homme décrit comme serviable, charmant, souriant et toujours prêt à rendre service.

L’enfant aime son beau-père, qualifié de « papa tout neuf » et « papa cadeau ». Le beau-père prend soin de l’enfant. Tout commence dans l’amour, les roses blanches offertes par lots de trois bouquets, un pour la chambre, un pour le salon et un pour la cuisine.

Mais « maman a fait une bêtise » et les disputes commencent et les coups tombent mais l’enfant est « épargné ». On assiste petit à petit à la descente aux enfers de la mère et aux conséquences de cette violence sur le devenir de l’enfant à travers ses rêves où la violence est présente, ses dessins où la main du « petit papa » devient disproportionnée, à travers sa propre violence envers les filles de sa classe, à travers son éviction progressive de la société (expulsé du lycée, difficulté à se maintenir dans un emploi, difficulté à construire une relation amoureuse).

Enfin la terreur qui le prend à l’annonce de sa future paternité et son désir que son amie avorte parce qu’ « un jour je vous tuerais tous les deux ». Puis le long cheminement sur sa vie et le fait « qu’il n’y a pas de témoins épargnés », que les enfants même s’ils ne subissent pas physiquement cette violence d’adultes, en sont les victimes. Que dire de la fin ? La petite amie, mère de l’enfant de Stéphane, remariée, présente à Hugo son vrai papa et la pièce se termine sur les mêmes mots prononcés par Stéphane dans la scène 1 et repris par son fils.

Ce que j’en pense

« La construction de cette pièce, déroutante au début, est telle qu’à la fin, je me suis dit qu’elle ne pouvait être autre. 23 scènes composées toutes de monologues adressés à des personnages fictifs. Non pas adressées au public, même si le spectateur/lecteur peut très bien endosser à certains moments le rôle du personnage imaginaire. En réalité, dans la lecture que j’en fais, chaque personnage fictif est présent. Les monologues sont tellement bien construits que je peux donner mentalement les répliques des personnages manquants.

Chaque personnage est campé avec intelligence et un grand sens de l’observation de la société. Il n’y a pas de caricature, tout est d’une extrême justesse et cela démultiplie la force des propos tenus qui pourraient, pris à part, semblaient anodins, mais intégrés dans l’ensemble de la pièce, sont d’une force impressionnante.

Enfin, c’est une très belle écriture, la justesse des mots, les phrases non terminées mais qui disent le mal être ou la difficulté d’aller au bout.

Wouah, quelle claque ! »

« J'ai beaucoup aimé la forme de ce texte. Il n'y aucun dialogue direct. Ce ne sont pas non plus des monologues mais c'est par la parole des personnages que l'on imagine les réponses de l'autre. Il y a toujours deux personnages en situation mais un seul parle en mettant en réaction l'autre.

J'ai énormément apprécié ce rôle en tant que lectrice. Nous prenons la place de La mère et de Stéphane et les personnages qui leur parlent, nous parlent en fait.

L'histoire n'est pas figée sur un moment donné précis. Au contraire, on voyage sur un temps de vie large. Ainsi, on voit l'évolution de Stéphane. Ses premières réactions quand il entend son beau-père crier, jusqu'à son âge adulte où il a lui-même des actes violents.

Cette thématique me touche énormément. J'ai plongé dans ce texte et j'ai sorti la tête de l'eau à la dernière page. J'ai eu de l'empathie pour cette femme qui ne sait pas comment gérer cette situation, c'est toujours un sacré dilemme. Plusieurs portes s'ouvrent devant elle ; sa mère qui cherche à comprendre sa tristesse, l'institutrice, le policier mais elle refuse tout ou du moins elle n'a pas la force et le courage, mais elle a surtout de la peur, et la sensation de ne pas pouvoir se sortir de cet enfer ! On a envie de l'aider, on a envie de rentrer dans l'histoire et de la pousser à porter plainte !!

Et cet enfant, Stéphane, qui ne comprend pas au début. Et qui nous fait part de la situation avec ces yeux d'enfants. Et au fur et à mesure, ses yeux changent. Il en veut même à sa mère, pas de ne pas avoir quitter son mari Pierre, mais de ne pas être comme il voudrait et de ne pas être capable de ne pas le mettre en colère. Quelle tyrannie ! 

J'ai été vraiment sensible à ce texte, à cette histoire, cette situation et sa forme, je le retiens sans hésitation. »

 

Elsa, Sarah, Yves

La dernière Nuit de Rosa Luxemburg

 

De Michel Caron

Texte en lice pour l’Eclat de Cœurs 2020

 

 

Genre : drame historique

Personnages : 1 F / 4 H

Thèmes :         Le thème principal de cette pièce est le personnage historique de Rosa Luxemburg et tout ce qui se rapporte à sa vie. Ses prises de position socialistes et communistes, son engagement, sa résistance, mais aussi ses relations intimes aux hommes et la difficulté de faire cohabiter tout cela.

 

La fable

« Berlin dans la nuit du 14 au 15 Janvier 1919, lors de l’écrasement de la révolution allemande mené par le ministre de la guerre Gustav Noske, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont arrêtés.

Waldemar Pabst chef de la division de cavalerie de la garde les retiens prisonniers en raison de leur activité politique.

Rosa maltraitée est laissée sous la surveillance d’un cavalier, en attendant qu’un commando vienne l’emmener.

Elle a alors 47 ans, son passif d’activiste et de révolutionnaire avec son surnom de « Rosa la rouge » l’a déjà conduit de nombreuses fois en prison.

Seule dans cette chambre sordide, avec ce cavalier dont le seul désir est de pouvoir rentrer chez lui retrouver sa famille et « pouvoir mettre les pieds sous la table », Rosa va entamer un dialogue avec lui et évoquer sa vie passée, ses amours, ses combats, ses espoirs et ses déceptions.

Peu enclin à l’écouter au départ, et anxieux devant le moindre bruit suspect, ce cavalier finira par lui prêter une oreille attentive à ses confessions qui sont très intimes jusqu’au moment où on vient Rosa emmener pour sa dernière destination. Elle sera exécutée d’une balle dans la tête au matin du 15 janvier et son corps sera jeté dans le Landwehrkanal.

Ce que j’en pense

Le texte est découpé en 8 tableaux qui se passent soit dans la chambre d’hôtel où est retenue Rosa soit sous forme de flash-back sur les années passées de sa vie, chaque tableau comporte un titre qui permet de savoir à quel moment on se situe… La lecture de ce texte se fait aisément, l’écriture est agréable et les dialogues bien construits, il m’a fallu juste quelques petits allers-retours dans le texte pour ne pas me perdre dans les dates, et un peu de lecture pour me documenter sur cette période en Allemagne, dont je sais très peu de choses.

Et puis la découverte de cette femme, et quelle femme !

Evidemment ce nom de Rosa Luxemburg ne m’est pas inconnu, mais mis à part le fait qu’elle ait été assassiné, je ne connaissais pas grand-chose d’autre de sa vie. Je ne sais pas si la retranscription de cette nuit est basée sur un récit réel ou si l’auteur a laissé faire son imagination…

Quoi qu’il en soit, j’ai pris plaisir à écouter la voix de cette femme

dans ce huis-clos avec son gardien à qui elle parle.

Elle déroule pour nous son histoire, ses engagements politiques, ses amours, on peut lire ça comme une sorte de dernière confession, comme si déjà elle pressentait que cette nuit serait la dernière, et son discours oscille entre réflexions politiques et vie intime.

Ce sentiment a été renforcé par le procédé de flash-back qui m’ont paru être comme lorsque l’on revoit sa vie défiler avant de mourir, dans un ballet entre sa vie passée et cette nuit, se déploie devant nous le portrait de cette femme de caractère, icone révolutionnaire du parti « Spartakis », qu’elle a fondé avec son ami arrété lui aussi cette nuit là.

J’ai trouvé que l’auteur laissé à cette héroine exprimer toute son humanité à travers les mots et le récit intime qu’elle livre au soldat, alors que ce dernier ne songe qu’a une chose pouvoir rentrer lui retrouver sa famille, et mettre les pieds sous la table.

Cette scène avec le cavalier m’a fait penser à une scène d’Antigone de Anouilh, scène ou Antigone est faite prisonnière et échange avec le garde dans sa cellule, tout comme Rosa elle vit ces derniers instants avant la fin, et tout comme elle, elle fait face à son destin avec courage.

J’ai été touchée par cette femme au destin tragique, à l’époque il ne devait pas être simple pour elle d’être une femme dans un univers masculin, et je ne sais pas si c’est une volonté de l’auteur mais on retrouve cela dans ce texte, Rosa n’est entourée que d’hommes.

J’ai trouvé que l’auteur nous donne à voir un personnage tout en humanité, qui malgré la situation ne s’apitoie pas sur elle-même et ne se laisse pas aller.

Dans ce texte, on découvre une femme de combat, une forte personnalité, comme par exemple lors de la scène avec le procureur, mais aussi une femme sensible, qui avait une vraie passion pour la nature et les animaux.

Evidemment le destin de cette révolutionnaire pacifique, fait écho en moi par ces temps d’inquiétude et d’incertitude devant l’avenir, sa mort a précédé des années noires en Europe et dimanche nous irons au vote, inquiets devant ces montées d’extrémisme.

Je voudrais finir ma fiche avec cette citation de Rosa énoncée un jour avant sa mort :

« Dès demain la révolution se dressera de nouveau avec fracas, proclamant à son de trompe pour votre plus grand effroi, j’étais, je suis, je serai ! »

« Bon. Donner vie à ce personnage réel par le biais du théâtre, en soi même, est une idée qui se défend. Rosa Luxemburg, par ses idéaux et ses combats vaut bien qu’on lui accorde les feux de la rampe pour une pièce. Le traitement qu’il en est fait n’est pas inintéressant. Je ne sais comment l’auteur en est venu à exprimer cette dualité entre sa vie de partisane insoumise et son désir de fonder une vraie vie de couple, mais je trouve ce biais fort questionnant sur qui était vraiment Rosa Luxemburg. Cette entrée par ses passions amoureuses, ou simplement par ses amours, avec cette réelle envie de fonder un couple où l’harmonie amoureuse régnerait, donne une force et une fragilité au personnage qui ne m’a pas laissé insensible. On s’attache à elle, d’autant plus qu’on connaît déjà la réalité finale de cette sinistre nuit.

Cependant, je ne saurais dire pourquoi exactement, je sens une certaine faiblesse dans cette pièce. Serait-ce le personnage du garde qui me chiffonne ? J’ai beaucoup de mal à trouver crédible ce personnage. Certes, il est là pour obéir, et ce traitement là est bien traité. On ne lui demande que de faire son travail, de laisser sa part d’humanité de côté, de ne pas réfléchir, obéir et se taire. Ce qui peut justifier ses craintes de voir surgir ses supérieurs alors qu’il écoute benoîtement les confessions de Rosa sur sa vie passée. Crainte aussi de voir surgir d’autres partisans venus au secours de rosa Ce qui me semble moins crédible. Malgré cela, je ne sais pourquoi, j’ai du mal à croire en la vision de ce personnage au travers de la pièce. Peut-être, de façon un peu moindre, Rosa Luxemburg aussi ne me paraît pas toujours juste, comme s’il manquait quelque chose. Ce quelque chose est peut-être la mise au plateau. Ce texte a sans doute besoin du plateau pour donner toute sa puissance. Je n’en sais trop rien. »

Jean Luc, Nicoletta, Michèle S

Mai 2019

Meute / Une Légende

De Caroline Stella

Texte en lice pour l’Eclat de Cœurs 2020

Genre : drame

Personnages : principaux 2 F / 3  H          secondaires : 7                  de passage : 6 et un enfant

Thèmes :             Le principal réseau thématique est lié à la famille, la famille originelle, celle qui se perd, celle que l’on rejette et celle que l’on se crée.

Le second thème principal est l’exclusion, l’exclusion sociale du fait d’habiter dans ce quartier de La Conche rejeté par tous et toutes les dérives qui en découlent, la méfiance, le rejet, la suspicion.

J’ajouterai le thème de la manipulation, qu’elle soit le fait de l’équipe des journalistes venue chercher un scoop, du discours du Premier Ministre (superbe discours en langue de bois), et de Mano qui finit par convaincre deux des trois jeunes de le rejoindre dans sa révolte sociale.

La fable

« Le lecteur croise le chemin de 3 personnages issus d’une cité abandonnée de tous. Il partage leurs vies, leurs rêves et leurs désillusions, leurs révoltes. Ils se sont créé une famille et sont inséparables jusqu’à l’arrivée de Mano, ancien habitant de la cité, revenu après 3 ans de prison. Celui-ci les entraîne peu à peu dans sa révolte contre la société. »

« Dans une cité-dortoir, avec des logements de fortunes, type « algéco », à l’arrière d’une zone portuaire, vit une population très pauvre, en marge de la société dite « normale ». Trois jeunes, Louis 19 ans, Kala 17 ans et Francky 17 ans1/2 qui n’ont pas été épargnés par la vie : misère, absence de père, chômage, déscolarisation… tentent de se reconstituer une famille, la leur n’ayant n’a pas joué son rôle, pour «se tenir chaud », un peu comme des jeunes rats qui se serrent les uns contre les autres dans le nid douillet de leur naissance. Depuis leur bidonville, ils aperçoivent de l’autre côté du port la Riviera, ville lumière qui leur est interdite. Ils vivotent de petits expédients et sont complètement désœuvrés. Leur misérable condition de vie (mésentente familiale, absence d’autorité et de famille, l’injustice qui leur est faite, le regard des bien-pensants) les pousse à commettre quelques menus larcins. Mano, fraîchement sorti de prison va vouloir les prendre sous sa protection en les incitant à la révolte car un projet immobilier va éradiquer leur espace vital et les mettre dans un état de désordre et de désespoir. Mano va profiter de ce désespoir pour les attirer vers lui pour, dit-il « les sauver » et ne pas aller en prison. Malgré la réticence de Louis, petit à petit il va les entraîner vers l’irréparable : battre à mort un « gars qui passait par là » ; ils le nommeront « un gars qui n’a pas de chance ». Seul Louis sera incarcéré et refusera de dénoncer ses camarades. Les trois autres disparaîtront dans la nature.

Quelque part, sur les terrasses du bout de monde, réapparaitra Louis devenu aveugle en conversation avec un enfant qui se nomme Ulysse. Louis dans une langue très poétique, va lui expliquer qu’il veille sur les peurs des hommes. »

Ce que j’en pense

« Avant toute lecture, le titre « Meute/une légende » m’a interrogée.

Le dictionnaire donne différentes définitions pour « meute » dont : « Troupe de chiens courants spécialement dressés pour la chasse à courre » et « Bande, troupe de personnes qui harcèlent quelqu’un pour en obtenir quelque chose ou qui s’acharnent à sa poursuite pour lui nuire, le perdre ».

La définition de « légende » nous est donnée par l’auteur :

Récit à caractère merveilleux, où les faits historiques sont transformés par l’imagination populaire ou l’invention poétique. Celle qui a inspiré l’auteur pour le personnage de Mano est clairement énoncée sous forme de prologue : il s’agit du « Joueur de flûte de Hamelin » retranscrite de l’allemand par les Frères Grimm.

De fait, le drame est annoncé explicitement. »

« Ce texte est d’une grande force. Tout au long de cette lecture, j’ai été happée. J’ai dû prendre de nombreuses notes tellement le propos est riche. Tout ce qui est dit, on le sait, mais là, on est dedans, avec ces jeunes gens, avec leur désespoir et on serait même tenté, tellement on comprend leur détresse, d’excuser la violence dont ils sont les héros.

J’ai aimé l’écriture …. J’ai aimé sa construction. J’ai aimé le thème et cette comparaison avec les rats. J’avais pensé en lisant en début de document, un rappel avec le joueur de flûte qui débarrasse la ville des rats, que tout cela finirait à la mer, mais le propos m’a emmené ailleurs et j’ai été surprise. J’ai aimé les personnages. J’ai aimé le décor. J’ai aimé que soient introduits les médias et les politiques dans ce jeu-là.

Les personnages sont extrêmement bien construits et au fur et à mesure du texte, on comprend bien leurs intentions, leur cheminement. Ils ont une belle évolution. Pleine d’empathie pour tous ces personnages. J’aimerais voir ce texte sur le plateau.

J’ai aimé la poésie qui émaille tout au long ce texte. Je suis conquise.

Bravo l’auteur ! »

« Ce sont avant tout les personnages principaux qui ont capté mon attention. Ces trois jeunes gens à peine sortis de l’adolescence et dont le monde se résume à cette cité de containers. Leurs rapports familiaux ne sont évoqués que par eux. Pères et mères sont présents dans les dialogues mais absents de la scène sauf le père de Kala qui n’est qu’une ombre qui passe. Les familles sont néanmoins très présentes, la mère de Francky qu’il ne voit pratiquement jamais, son père dont la mort n’est pas élucidée pour lui, suicide ou accident de travail, la mère de Louis devenue folle après l’abandon du père et qui vit dans la certitude de son retour.

Le personnage de Jeanne, alias Kala de Calamity Jane, anorexique, la plus jeune mais à la maturité surprenante. Ce sera la première cependant à céder à Mano et à le suivre.

Louis est un personnage attachant, complexe, qui tente de s’évader de cet univers par les mots écrits dans son carnet. Mais ses origines le rattrapent et le rejettent de la société. Il est le seul des trois à résister à Mano mais restera fidèle à ses amis au point d’être emprisonné pour complicité. Son destin est déchirant. Il finira par se crever les yeux pour ne plus voir le monde qui l’entoure. Cependant, à la fin, aveugle et seul, il rencontre l’Enfant et lui promet de veiller sur ses peurs.

Je retiens ce texte sans aucune réserve. J’ai aimé ces personnages et suivi avec avidité leur histoire. L’écriture parfaite m’a donné à voir l’ensemble des actions de la pièce. De réelles images de mise en scène et de jeu des acteurs me sont venues et pour moi, c’est un signe de qualité de l’écriture, de la construction et du développement des personnages. »

« J’ai été littéralement absorbée par cette pièce terriblement actuelle, très dialoguée, et d’une grande richesse thématique. Elle trouve sa force non seulement dans son écriture très rythmée mais aussi dans sa construction et l’évolution individuelle de ses personnages.

La construction en quinze scènes met en parallèle ce qui s’ourdit à la Conche avec des phénomènes géophysiques. J’ai adoré ce judicieux parallèle et la justesse des titres de chaque scène jouant sur la/les double-s acception-s d’un même mot ! Ainsi, notre regard est habilement amené à zoomer au fur et à mesure des scènes d’un angle large (comme vu du ciel) jusqu’au foyer de l’action, puis vers ce qui est invisible à l’œil nu : les mouvements sismiques de la Terre // la violence en gestation chez les personnages de la pièce.

On assiste tout comme des géophysiciens observant les mécanismes terrestres, à la mécanique implacable qui conduit la meute au déferlement de violence final.

La conjoncture des axes dramaturgiques constitués par le temps, l’espace et les personnages exacerbe, elle aussi, l’intensité dramatique du fait de l’accumulation des tensions propres à chacun.

Cette pièce politique dénonce des situations indignes de l’Etat censé protéger tous ses citoyens, l’impuissance des services sociaux, les lourdeurs administratives ... Elle dénonce également la promiscuité carcérale de petits délinquants avec les pires crapules.

Elle laisse à réfléchir sur notre aveuglement face à la manipulation médiatique, le regard que l’on porte sur la réussite, nos jugements faciles, la stigmatisation des êtres qui nous renvoient à nos propres peurs.

Elle nous interroge sur l’absence de prévention auprès de jeunes en détresse, en quête de sens, population « à fort risque » d’enrôlement ou de radicalisation. »

 Christine, Michèle P, Yves

Avril 2019

Ecocide

De Tristan Choisel et Michèle Enée

Genre : Drame fictionnalo-réaliste écologique

Personnages : 3 F / 3 H

Thèmes :             Destruction irrévocable d'un écosystème provoquée par la présence de l'homme. Impuissance de l'homme face aux dégâts écologiques qu'il a provoqués et qu'il doit subir

Contraintes de l'errance, perte de repères sociaux et sociétaux

Choix de valeurs vitales indispensables à la survie physique, psychique et affective

Pertes, séparations, deuils

Impermanence

Relations familiales et obligations que l'on s'impose

Bilan d'une vie imposée ou subie

La fable

« C'est l'histoire d'un couple contraint de quitter leur maison devenue inhabitable en raison des perturbations provoquées par leur présence sur leur lieu de vie. »

« Christiane et Gilles vivent dans leur maison dans laquelle ils sont en train d’effectuer des travaux de rénovation de peinture, leur fils Sylvain vit loin d’eux à l’étranger.

Leur vie va basculer lorsque les plantes de la maison au nombre de sept se mettent à disparaitre les unes après les autres, c’est le signe qu’ils sont dans l’obligation de quitter leur maison car ils sont devenus perturbants pour elle.

Dehors les prétendants à devenir les nouveaux résidants du domicile se pressent pour venir le visiter n’attendant même pas le départ définitif du couple, car la façade de la maison indique qu’elle ne va pas tarder à être libre, mais plus personne ne pourra y vivre cette maison est devenue inhabitable.

Le couple tente en vain de joindre leur fils, il ne répond pas et ne leur a pas laissé son numéro de portable…même leur famille proche ne peut leur venir en aide car ils sont eux aussi dans la même situation.

Alors que faire ? Et surtout quoi emmener ? Ces chaussures ? Ou peut-être ce tableau ? En tout cas il faut partir ils n’ont pas le choix ! »

Ce que j’en pense

« Le titre de cette pièce avec son suffixe « ide » m’a mise sur la piste de la mort de notre écosystème et je me suis demandé, comment en 36 pages, l’auteur allait traiter un si vaste sujet de manière théâtrale.

Ce texte est très bien écrit ; tous les mots sont importants, pas de superflu qui pollue, on est bien assez pollué et étouffé par le drame qui se déroule sous nous yeux et qui nous touche directement.

Je suis immédiatement entrée dans ce texte original et je n’ai plus pu le lâcher, curieuse que j’étais de la façon dont cela allait se terminer. Cette pièce est très bien construite et m’a mise dans un état de stress incroyable. Les dialogues sont courts mais efficaces. Les adresses au public font un excellent lien entre les dialogues.

Tout est dit et bien dit. »

« Cette manière d'aborder les méfaits de la présence humaine sur notre écosystème pour le conduire à sa perte inéluctable me semble très originale et particulièrement intéressante parce qu'à partir de ce thème souvent convoqué actuellement, il est question cette fois de la place de l'homme dans son individualité et de son avenir devant cette situation qu'il a créée lui-même "sans intention d'aller aussi loin" si l'on peut dire. Ce texte de 32 pages seulement est très riche. Il aborde des questions existentielles, philosophiques, humaines, sociétales et me plaît parce qu'il place l'homme au centre. Il le prend dans son quotidien, dans ce "ronron" quotidien qui tourne presque "à vide", sans réelle conscience de ce qui l'entoure, sans vraiment d'énergie pour modifier ce qui ne lui convient pas forcément. »

« J’ai trouvé les échanges entre les deux personnages intéressants, je les ai trouvés presque comiques dans cette situation de crise, ils cherchent quoi emporter avec eux dans leur exil et quand Madame pense pratique, Monsieur se préoccupe de savoir s’il va emporter le tableau qui orne le mur du salon, tout comme la scène où ils cherchent des chaussures, ou encore lorsque Gilles emporte un jeu de mikado,  mais «  pas le jeu d’échec car il est hors de question qu’il joue sur un jeu d’échec de voyage », oui c’est exactement ça on dirait qu’ils préparent leur départ en vacances avec tente et opinel.

Je les ai presque trouvés touchants, et émouvants par moment dans le peu que l’on découvre d’eux, elle qui exerce un métier sans intérêt, le décès de leur chien, lui dans son rapport à son père et son rôle de président du club d’échec, et ces appels à ce fils qui vit loin sans leur avoir donné son numéro de portable… »

« J'imagine bien ce texte au plateau et les indications de lecture précisées par l'auteur au début sont précieuses pour m'en faire une idée assez précise. Le texte est vif, bien mené, ponctué de quelques traits d'humour pleins d'ironie qui viennent souligner l'incongruité de la situation exposée et qui va évoluer inexorablement au fil du récit jusqu'à la chute de fin.

Pour moi ce texte a l'allure de ces poupées russes qui s’emboîtent les unes dans les autres, partant de la plus grande pour aller vers la plus petite, la plus cachée, la plus intime. »

Michèle P, Nicoletta, Sarah

Mars 2019

Le Sourire de Rodin

De Gaëtan Faucer

Genre : Pièce à suspense

Nombre de personnages : 2 F

Thème :          La vengeance / L’égocentrisme, l’arrogance, le narcissisme / La rivalité, l’amitié, la naïveté …

                        Le métier de comédien-acteur : l’exigence dans le travail (vivre ce qu’a pu vivre le personnage, incarcération volontaire), la peur de ne pas être à la hauteur, le rêve de reconnaissance, le doute, la vanité, la folie (l’exigence et implication trop prégnante dans son métier ne sont elles pas une forme de folie ?), l’ambition, la compétition, la médisance, l’arrogance

L’internement : isolement, désobéissance aux règles, vie spartiate, médicaments, la capacité d’adaptation ou non (perte des repères temporels, changement alimentaire), enfermement (sensation de mort), souvenirs, visites

 

La fable

«Suite au suicide de sa sœur Vania, une jeune femme médecin psychiatrique Laurence Galantier organise tout un complot afin de punir celle qu’elle estime responsable de ce drame, Gina une jeune comédienne ambitieuse.

Laurence s’immisce dans la vie de Gina et devient son amie en se faisant appeler Pauline.

Elle organise ensuite un faux contrat pour Gina, sous le couvert d’une fausse boite de production, lui demandant de se laisser enfermer dans une institution psychiatrique, sans contact avec l’extérieur cela afin de s’imprégner du rôle qui lui est proposé celui de Camille Claudel, dans « Le sourire de Rodin ». Toutes ces transactions se passant par téléphone, Gina ne se doute de rien, et se laisse manipuler par Laurence.

Le piège se referme alors sur elle la privant à tout jamais de liberté, ayant signé un contrat de volontariat à cette expérience elle devient responsable de son propre enfermement dans cette institution psychiatrique, devenant le jouet de la vengeance de Laurence. »

Ce que j’en pense

« Je me suis laissé prendre par la lecture de cette pièce, portée par le dynamisme et la complicité des deux personnages, avec l’envie de connaître l’issue. Ce texte, très dialogué, est bien construit et l’intrigue bien ficelée.      J’ai particulièrement apprécié le crescendo dans l’intensité dramatique et la chute plutôt inattendue.                                                                                       Car même si l’on se dit que la confidence concernant Vania est trop étoffée pour être insignifiante, même si l’on se dit que Pauline est trop complaisante pour être honnête… on ne s’attend pas à pareille machination, à pareil machiavélisme dans la vengeance !

Ainsi, celle qui domine l’autre n’est pas celle que l’on pensait ! »

« Cette histoire parle d’une vengeance implacable qui punit la vanité d’une comédienne narcissique et égocentrique de la plus cruelle manière, en l’enfermant avec son accord, afin de l’humilier et de la transformer en légume, ruinant à jamais toute perspective de carrière. »

« Pour son originalité, son suspense, ses deux personnages « double face », son dénouement immoral inattendu, je retiens ce texte. »

Christine, Jean Luc,  Nicoletta

 

A une Encablure du Styx

De Louise Caron

Genre : Comédie dramatique

Nombre de personnages : 2 F / 2 H

Thème :               Deux réseaux thématiques principaux s’entrecroisent dans cette pièce :

  • L’amour, qu’il s’agisse de l’amour maternel ou l’amour au sein du couple. Celui qui ne faiblit pas, l’amour de la mère qui ne se résigne pas « Moi, jamais » mais dont on peut interroger les motivations. L’amour de Cathy qui peu à peu s’est effrité jusqu’à l’acte immonde de Matt. L’amour de Matt pour lui-même, pour sa gloire footballistique, pour Cathy car finalement c’est le viol qu’il fait subir à sa femme qui lui fait comprendre qu’il l’aime plus que le reste.
  • L’euthanasie et les trois positions incarnées par trois personnages : la position de la médecine à travers le médecin, la position de la mère qui veut maintenir à tout prix son fils en état végétatif dans l’attente d’un hypothétique réveil, la position de Cathy qui pense que Matt ne peut pas se réveiller et se découvrir tétraplégique.

La fable

« Dans le passé, avant l’accident, il y a Matt, la trentaine, jeune footballeur ambitieux dans un club plein d’avenir. C’est un jeune homme brillant et égocentrique pour qui le foot est une passion.

Avant, il y a Cathy, sa femme, entre 25 et 30 ans, elle travaille comme chargée de communication pour une chaîne de magasins qui diffusent de la culture : Culturama. Avant, il y a Hélène, sa mère. Une femme « droite dans ses bottes », pas commode.

Avant, il y a l’enfance, l’adolescence, l’âge d’homme. Il y a la vie avec tout ce qui en fait le sel : l’énergie, le désir, le bonheur, la joie, l’amour, la jalousie, les rêves communs que l’on a tant caressés, et que l’on ne partage plus, la rage d’être le plus fort qui mène aux gestes irréparables..., et puis un jour tout bascule.

Après l’accident, l’action des deux premières séquences se situe dans la pénombre d’une chambre d’hôpital. Hélène, Cathy, et un médecin. Matt — qu’on ne verra jamais dans ces séquences — est bloqué dans le coma, sans réaction ; perdu dans un entre-deux. Absent du plateau, il est au centre du conflit qui s’installe entre les personnages. Hélène, sa mère, veut croire au miracle d’un réveil et prolonger les soins. Cathy, l’épouse brisée, défend un point de vue opposé parce que Matt n’aurait pas voulu ça, être un légume, et qu’elle même ne peut se résigner à vivre le futur à l’imparfait. Elle porte, dans le coeur et le corps, une meurtrissure dont Matt est responsable, qu’elle régurgite et qui rend sa décision d’autant plus difficile.

Quant au médecin, il fait les gestes qu’il faut, dans le cadre de sa mission. Il est pris entre la légalité et l’humanité, tiraillé entre la brutalité d’avouer la vérité et l’hypocrisie qu’il y a à entretenir l’espoir d’un mieux chez un patient tétraplégique en coma végétatif chronique. » (NDLA)

Ce que j’en pense

 « Difficile de dire ce que je pense de cette pièce sans tomber dans un discours dithyrambique. J’aime tout. Commençons par la construction, très subtile, avec cette alternance entre la vie et l’attente « à une encablure du Styx ». La structure de cette alternance (5-2-2-5-1-1) nous amène peu à peu à quitter la vie pour nous interroger sur la question de l’euthanasie.

Les personnages : l’autrice nous dévoile les trois personnages principaux au travers de leurs actes. Chacun prend de plus en plus d’ampleur et peu à peu deviennent des personnages de tragédie.

La langue : quel bonheur de lire un texte écrit avec tant de rigueur et de poésie. On ressent le travail de l’autrice pour aller à l’essentiel sans oublier la beauté de la langue. Je pourrais citer des dizaines et des dizaines de phrases qui touchent directement au cœur et à la pensée.

Le dénouement : Aucune solution n’est apportée, aucun jugement n’est fait. C’est au lecteur-spectateur de partir avec ses questions, avec ses réponses. Cette pièce incite à la réflexion sur un sujet d’actualité. »

« C'est une forme de texte assez original, l'auteur fait des allers retours entre l'action du moment (Matt à l'hôpital) et des flash back de son enfance, de sa jeunesse et des quelques heures avant l'accident qui le mettra dans un long coma. J'ai apprécié faire des bonds en arrière et de comprendre au fur et à mesure ce qu'il s'est passé. Ce n'est que presque à la fin que nous savons la cause de son hospitalisation.

je me suis laissé complètement embarquer dans cette histoire de vie de Matt. J'ai adoré avoir le ressenti des personnages tout au long de la pièce. On a les personnages dans une situation, ils se parlent et en en même temps, ils commentent et se parlent intérieurement. »

« Le thème de cette pièce est terrible, concerne tout le monde. Nous sommes tous à la fois la mère et la femme face à une telle douleur, à une telle situation incompréhensible.

J’ai tout au long du texte (à partir du coma de Matt) oscillée entre ces deux positions et j’ai trouvé cela juste ; il n’y a pas de réponse.

Et en cela le fait que le texte se termine sans donner de réponse est un excellent choix selon moi. »

Claudie, Sarah, Yves

Février 2019

 

Nous autres Antipodes

De Marie-Claude Verdier

 

Genre : Une triste comédie fantastico-absurde

Nombre de personnages : 4 F / 4 H

Thème :               La société, son évolution selon les choix des générations.

Des jeunes rêves de révolution, happés par l’envie d’évoluer, de devenir un héros.

Déception

Génération suivante : idem

L’homme fait, défait, refait, re défait etc…. on n’invente rien, on ne va au bout de rien. Les révolutions sont toutes avortées à un moment. Changer le monde ne peut se faire qu’à petite échelle. Remise en question des fondements de la société, du fonctionnement de l’être social

Les différentes formes de révolution

L’informatique au service ou l’informatique dominatrice ?

La fable

« C'est dans la maison de banlieue que tout arrive. Quatre jeunes adultes révolutionnaires la prennent d'assaut. Ils s'y installent en communauté indépendante et en explorent les secrets. La maison deviendra d'abord leur château fort puis se métamorphosera en vaisseau pirate qu'ils mèneront à l'abordage du monde. »

« Le lieu où se déroule cette histoire est une maison connue d’au moins 3 personnes : Jeanne et Jean-Paul le frère et la sœur, puisque c’est la maison de leurs parents et de Cynthia la cousine, enfermée volontaire dans la maison, avant l’arrivée du quatuor.  Cette maison va devenir le refuge de 4 personnages en quête de révolution ; elle  va évoluer en un château-fort dont les portes vont être sérieusement surveillées de peur d’une intrusion, puis en un élément naviguant, peut-être un bateau, peut-être un vaisseau spatial dont l’un des personnages va prendre les commandes puisque il est calé en informatique. »

Ce que j’en pense

« J’aime la langue québécoise mais là avec toutes les spécificités, c’est difficile à lire parfois à comprendre, même si c’est beau, ça sonne, ça transporte. Pour la poésie oui, pour la compréhension non, c’est fatiguant à lire, ça demande une énorme attention. Exemple « Ça serait le fun de jouer devant du monde intéressé par nous autres au lieu d'être critiqués par mononcle chose sur la brosse ». Puis j’abandonne, je m’abandonne, laisse ces expressions me pénétrer et je rentre dans les mots, les aventures de ces personnages.

Le plus important, c’est que cette pièce fonctionne, raconte vraiment quelque chose, m’embarque dans un film (d’ailleurs, je trouve tout cela très cinématographique), une aventure au long court comme on en lit rarement. J’ai pensé aux pièces épiques de Wajdi Mouawad, aux pièces fleuve qui embarquent le spectateur pour un voyage sur la durée.

J’aime beaucoup les scènes consacrées à Jean Pierre et Lorraine, la forme de récit est un enjeu théâtral intéressant. On a des personnages qui ne se parlent pas mais se racontent. Impossible communication ? Génération disparue, qui n’a plus droit à la parole ?

Quant à l’intrigue, j’ai aimé la façon dont l’auteur m’a transportée, m’a faite passer d’une forme de réalité à une utopie totalement incroyable (oui, je sais c’est le propre de l’utopie…) et là, j’ai compris pourquoi la pièce avait besoin d’être longue. Le coup de théâtre, le basculement dans un monde irréaliste m’a prise par surprise, j’en ai ri mais après je me suis dit que l’imaginaire devait aller au bout et que c’était le seul moyen pour me faire croire qu’un autre monde est possible.

Mais en lisant la dernière scène et plus précisément la didascalie, j’ai été émue car mon interprétation de cette fin est que comme dans fahrenheit 451, les hommes croient avoir un avenir, croient qu’ils ont changé le monde mais ils reproduisent, ne changent rien… »

« C’est une construction intéressante qui permet de mettre en scène des personnages dans des époques et des lieux différents et en même temps cela permet de mettre en parallèles des vies de parents et d’enfants adultes qui veulent s’opposer ou se différencier.

C’est une comédie un peu absurde, frisant le fantastique, mais pas complètement, qui ne m’a pas fait sourire  ni enthousiasmée et j’ai fini par me retrouver dans un enfermement stérile. Il m’a semblé que ces jeunes adultes pensaient avoir « inventer l’eau chaude ». Les enfants de « soixante-huitards » n’ont pas forcément vécu l’expérience de leurs parents mais ils en ont entendu parler et ce message paraît peu crédible en 2019. Les images que j’ai reçues du plateau m’ont enfumée. Je suis restée sur ma faim.

J’aime le théâtre contemporain, mais Je pense ne pas être sensible à ces thèmes traités à la fois de manière grotesque, ludique, fantaisiste et futuriste. C’est un monde qui m’échappe.  Je salue pourtant la construction originale de cette pièce. »

 

Claudie, Elsa, Michèle P

Baptiste Pearnacker

De Mathias Jung

 

Texte en lice pour l’Eclat de Cœurs 2020

Genre : satire burlesque

Nombre de personnages : 1 F / 6 H  

Thème :               le pouvoir poussé au despotisme jusqu'à la folie,

les différences de statuts sociaux mais aussi les différences liées au handicap.

 

La fable

« C'est l'histoire d'un jeune paysan qui se rend dans le château d'un noble après avoir reçu un carton d'invitation, dans le but de tuer le châtelain pour venger son frère. »

« Baptiste a appris par Camille que son jeune frère Thimotey, monstrueusement handicapé, s’était fait rouer de coup par Tobias Odd parce qu’il avait ri de le voir chuter de son cheval tête la première dans la boue et qu’il lui avait fait l’affront de vouloir l’aider à se relever. Baptiste lui-même avait déjà eu affaire à Tobias : alors qu’il ramassait du bois mort sur le chemin, ce dernier l’avait traité de "voleur" envoyant valdinguer le fagot de bois et jurant "que cette histoire en resterait pas là".

Une semaine après, il recevait une lettre le priant de se rendre au château d’Oddhouse. C’est là que vivent Tobias, sa sœur Mathilde et leurs vingt domestiques dont Aaron, meilleur ami du père de Baptiste. Tobias,  noble héritier du domaine, mène une vie oisive et ne sort de son ennui qu’en organisant fêtes décadentes ou faux procès qui lui permettent d’humilier ou de rosser quelque cobaye. Il déchaîne ainsi toute sa haine et toute sa cruauté devant une cour d’imbéciles enchantés par le spectacle. »

« Malgré le chaos qui s'annonce, Baptiste reste déterminé à aller au bout de son projet : celui de tuer Tobias, non pas par la violence mais en le remerciant car, à cause des coups qu'il a donnés à son frère, celui-ci lui est apparu comme un être précieux et profondément indispensable à sa propre vie. Tobias ne comprend pas cette attitude, lui qui n'a pas hésité à livrer sa soeur Mathilde aux hommes en colère qui envahissaient son château. Elle a sans doute déjà été violée plusieurs fois et "couve déjà le plus ignoble gnome que l'univers ait jamais enfanté".

Tim apparaît alors, jeune adolescent lourdement handicapé. La question n'est plus alors "comment se débarrasser d'un monstre" mais bien comment l'accepter et l'aimer, lui qui est si différent et tellement étranger à ce monde de colère, de haine et de chaos. Tobias comprend que c'est terminé pour lui. Sans l'avoir tué physiquement, Baptiste a fait de lui un homme mort. » 

Ce que j’en pense

« Je me suis trouvée devant un texte difficile d'accès. Sans doute séduisant pour une pré-sélection mais extrêmement riche et donc complexe pour la rédaction d'une fiche de lecture. J'ai d'abord eu du mal à comprendre où je me trouvais et de quoi on me parlait. Il m'a donc fallu encore une fois abandonner la recherche du sens et me laisser porter par les dialogues qui s'échangent entre les différents personnages. L'histoire est simple mais complexe. J'assiste à des joutes verbales très fleuries, très décalées, pleine d'emphase ou assez crues et si je suis un peu déstabilisée dans un 1er temps, je me laisse vite séduire par ces différentes formes linguistiques improbables ou loufoques. L'auteur invente des mots, décale des syllabes, intercale des lettres au milieu des mots. C'est souvent drôle et en tout cas original. Il distille les informations de l'histoire au compte-goutte et ça m'intrigue.

L'humour est très présent dans les échanges entre les personnages, apporté par le décalage des niveaux d'éducation ou de vocabulaire ou par l'ironie et le sarcasme. J'ai trouvé ingénieux aussi, au tableau III, de faire sortir Tobias du plateau pour nous donner à entendre seulement les sons de l'attaque de Tobias par les chiens et quand il réapparait le visage et les membres en sang, les vêtements déchirés, on imagine chacun à sa manière bien sûr la violence du combat. L'atmosphère est pesante, les accès de colère de Tobias et même de Mathilde nous donnent à penser que la situation risque de basculer à tout moment. Mais il nous faut quand même bien comprendre ce que Baptiste vient faire dans cette aventure et comment il va s'y prendre pour tuer Tobias comme il l'a dit dès le début de la pièce. L'intrigue se construit lentement à mesure que le texte avance alors que les dialogues sont très vifs et très rapides. La notion de chaos déjà perceptible au début monte progressivement. Je me laisse emporter par les effets comiques et en même temps la décadence de ces personnages riches, coupés du monde et de sa réalité et tellement inhumains. »

« Le déroulement est bien maîtrisé. Quant au dénouement, il m’a un peu déçue.

L’idée de « tuer » Tobias par une leçon de vie… de non violence plus forte que la violence ; d’opposer l’humanité de Timothey (sa contemplation, sa délicatesse et son amour) à l’inhumanité de Tobias (son ennui, sa haine) afin de lui révéler par effet miroir sa propre monstruosité ne fonctionne pas pour moi. En revanche, ce qui l’a assurément affecté, c’est d’être confronté à quelqu’un qui réagit de façon inhabituelle car il n’y a pas de bourreau sans victime. Or Baptiste ne se comporte pas en victime, il ne craint pas Tobias et, en réponse Tobias en oublie de le châtier. »

« J’ai lu cette pièce, d’une traite.

J’ai beaucoup apprécié les qualités d’écriture de l’auteur.

Cette histoire m’a parlé des invisibles et des négligeables aux yeux des nantis et de ceux qui ont le pouvoir. Sujet malheureusement pérenne… De leur sagesse et de leurs petits bonheurs, en parallèle des dérives possibles du pouvoir couplé à l’oisiveté de ceux qui n’ont jamais rien acquis par eux même, et qui n’ont donc rien su apprécier. Ici, un de ces hommes espère, de façon pacifique, venger son frère qui a subi des violences, afin d’éclairer le responsable sur les raisons ou non raisons de sa violence, en lui faisant prendre conscience qu’il passe à côté des joies toutes simples qu’offre la vie. »

« S'il est vrai qu'à la 1ère lecture je n'étais pas du tout disposée à le faire, je peux dire maintenant que je retiens ce texte avec réflexion et enthousiasme. Il m'a fait rire, il m'a émue, il m'a révoltée et pour moi le pari est gagné. »

Christine, Marie-Claude, Yves

Fox, chasseur d’étoiles

De Eléonore His

 

Genre : Récit dialogué

Nombre de personnages : 4 F / 8 H

Thème :               famille : relation entre frère / naissance d'un autre frère

amour : balbutiement du sentiment amoureux qui grandit / retrouvaille d'un amour passé /

défi / courage / haine

mort : frôlée / prématurée / perte d'un être cher

La fable

« La fratrie, Fox, l'aîné, Yantell le deuxième, Titouan, le troisième et P'tit Jules, le dernier ont pour habitude d'aller à la mer et notamment sur la falaise à côté de chez eux. Ce jour-là, alors que P'tit Jules était tranquillement avec Angèle (rencontre amoureuse ?), ses frères sont arrivés. Fox n'a pas apprécié la petit blague de P'tit Jules , il s'était caché pour leur faire peur. Il lui lança donc le défi de descendre la falaise par le côté le plus périlleux « le chemin de la tête de mort). P'tit Jules ne se découragea pas et commença à descendre sous les cris de mise en garde d'Angèle.

Cela ne loupa pas, P'tit Jules glissa du rocher et tomba violemment dans le sable. Ses frères pris de panique, coururent chez eux alerter leurs parents. Ils pensaient réellement qu'il était mort et P'tit Jules aussi d'ailleurs. Mais il se réveilla, et ce fut un grand soulagement pour sa mère.

Le quotidien reprend. Ewen, le père, vient d'apprendre que la coopérative de vente de poisson dans laquelle il travaille, ferme. Ce qui le déprime complètement. »

 

« En hiver, un des enfants d’un voisin, Ferrouël, se noie dans le lac. Tout le monde accuse Ferrouël.

Plus tard, Fox et P’tit Jules se perdent dans la forêt et se retrouvent près de la cabane de Ferrouël, qui les pourchasse armé d’un fusil avec ses chiens.

Pour lui échapper, ils traversent le lac gelé et Fox, afin de sauver son frère parti trop loin du bord, se met en danger à son tour.

Ils sont récupérés tous les deux, P’tit Jules avec un bras cassé, il ne sait comment et Fox en hypothermie sévère.

Au printemps, la mère accouche d’un enfant dans la maison, avec Fox pour seule aide.

La vie continue, en tranches. Le père va vivre ailleurs, pour son travail ?

Fox flirte avec Marielle et ils se décident enfin à s’embrasser, un jour au stade.

Mais Fox se fait virer du lycée, à cause de ses absences répétées.

Une nuit avec Marielle, il lui ramasse une luciole, en lui avouant qu’on disait de lui petit qu’il serait chasseur de lucioles et elle lui répond que « c’est beau comme une étoile ».

Alors, lorsqu’on lui fait rencontrer un conseiller d’orientation qui lui demande de renseigner une feuille sur ses projets d’avenir, il écrit « chasseur d’étoiles ».

 

Ce que j’en pense

« D’entrée, voilà un texte vif, qui ne me laisse pas indifférente de par son écriture, mi dialogues mi monologues. L’adresse est changeante, en effet ; parfois à un autre personnage parfois au public, me semble-t-il.

On entre dès les premières pages dans le drame, ce qui change des textes qui mettent un point d’honneur à attendre le dernier acte pour « dramatiser ».

J’aurais eu envie de dire « Bon ben voilà c’est fini ! », mais ce n’est que le début d’une drôle d’histoire.

 

Chaque scène décrit une tranche de vie, intense, puis s’arrête comme en pleine acmé de l’action, ce qui donne un style très particulier à la pièce. La scène de l’accouchement par exemple voit la mère en plein travail avec le bébé prêt à sortir, Fox qui est présent sans savoir quoi faire. On sent très bien l’urgence mais la scène s’arrête brutalement là. J’imagine que c’est le parti pris de l’auteur de nous laisser imaginer la suite mais je trouve cela assez frustrant.

 

La mort rôde à chaque instant dans cette histoire : plusieurs personnages se trouvent en danger d’une manière ou d’une autre, de leur naissance difficile à leur vie de labeur, même courte. »

 

« C'est un style d'écriture que j'apprécie. Le texte est basé sur de la narration active et du dialogue. C'est à dire, que l'on a comme tout texte du théâtre des personnages qui se parlent l'un à l'autre mais la particularité de ce texte c'est que les personnages prennent aussi la place du narrateur, il raconte ce qu'il se passe, ce qu'ils voient. On plonge directement dans la pensée de celui-ci. Ils décrivent l'action comme un récit mais au présent. Pour cela, l'auteur a mis en place un code dans le texte ; en italique ce sont les répliques directes, et le reste ce n'est que de la description de ce qui se passe et le ressenti du personnage à ce moment-là. J'ai trouvé cela très intéressant. Par moment, sur une même situation, on passe de la pensée d'un personnage à l'autre. Donc chacun avec son ressenti, peut avoir plusieurs points de vue.

C'est vraiment comme si on voyait avec leurs yeux.

J'ai trouvé que dans cette pièce, l'auteur joue beaucoup avec nos sens.

A la fin de ma lecture, je me suis rendu compte que du temps avait passé. J'ai relu le texte en faisant bien attention aux didascalies. Hiver, printemps, été, hiver, printemps, août, septembre rentrée des classes.  Au milieu de ça, Jared, le dernier des petits frères, arrive. J'ai donc conclu qu'il y avait eu environ un an et demi qui s'était écoulé.

L'histoire de cette famille m'a plu. J'ai été prise dans une lecture dynamique avec toujours l'envie de savoir la suite. L'auteur a su me toucher et me tenir en haleine jusqu'au bout. »

 

« Elle est traitée comme une narration qui retrace une année de la vie d’une famille, celle de Fox, dont le père est pêcheur et la mère (sauf erreur de ma part, infirmière). Cette narration est relatée par tous les protagonistes de cette famille, entremêlée par les propos tenus par les personnages eux-mêmes. En soi-même, pourquoi pas. Seulement, tout est raconté de la même manière, comme si finalement, les personnages ne formaient qu’une seule entité. En toute logique, lorsque différents personnages relatent des évènements, chacun les relate avec ce qu’il est, sa personnalité, son point de vue. Ici, l’enchaînement du propos est linéaire, le point de vue ne change pas quel que soit celui qui raconte. Je ne saisis pas le choix de cette narration multiple puisque tous perçoivent finalement les événements de la même façon. Peut-être est-ce voulu par l’auteur, le personnage étant l’entité famille. Admettons. »

 

« La fin reste en suspens, comme tout le texte, somme toute. Je n’ai pas de réponses à mes multiples questions et c’est la vie après tout : on ne donne pas toujours d’explication à chacune de nos émotions.

 

Au niveau du plateau, ce texte me semble difficile à mettre en scène au vu de la richesse des lieux évoqués, mais je ne suis pas metteuse en scène…il ou elle s’en débrouillera !

 

Je suis rentrée très facilement dans l’intimité de cette famille, avec ses peines, ses joies et ses drames.

L’écriture est simple et belle et m’a rapidement happée.

Tout le jeu de l’auteur est dans les non-dits, au milieu d’événements forts et parfois dramatiques mais aussi dans le méli-mélo des émotions de chaque instant, qui nous submergent ou pas. Et pour cela, le jeu des acteurs sera primordial quand ce texte sera monté.

Je crains de n’avoir pas tout bien compris, mais ce n’est pas grave, la magie a opéré.

 

Pour la surprise attendue et reçue à chaque page, je retiens ce texte. »

 

Elsa, Jean Luc, Sarah

Janvier 2019

Pénélope

de Hubert Jegat

Texte en lice pour l’Eclat de Cœurs 2020

 

Genre : Pièce jeune public. Réinterprétation contemporaine, poétique et ludique de la mythologie grecque

Nombre de personnages : Selon l’auteur/l’autrice, il s’agit d’une pièce pour une comédienne et plusieurs marionnettes.

Thème :               Absence, abandon, attente, quête, espoir, amour maternel, lien filial, enfance, mutisme, mythologie grecque

La fable

« La pièce transforme un mythe et un personnage mythique en un conte, celui d’une mère qui déploie des trésors d’imagination pour faire accepter à son fils l’absence du père. »

« Ulysse est parti depuis des années sans que sa femme Pénélope et leur fils ne sachent où il se trouve, ni s’il reviendra un jour.

Pénélope consulte Circée, une voyante, afin qu’elle lui dise où Ulysse se trouve, puis frappe à la porte d’un tripot (la porte des enfers ?) et enfin celle d’un borgne (le cyclope). Ce dernier lui apprend qu’Ulysse se trouve en mer à bord de la Calypso. Dès lors, Pénélope confie à la mer les bateaux en origami que conçoit inlassablement son fils. Elle y glisse un petit mot pour Ulysse, disant qu’il leur manque, dans l’espoir que l’un d’eux croisera son chemin et le fera revenir. »

Ce que j’en pense

« Il m’est difficile de juger de la construction de la pièce. Le théâtre de marionnettes est un genre théâtral que je fréquente peu et il est évident que je ne dispose pas de toutes les clés de lecture. Cependant, j’ai trouvé la lecture de ce texte très agréable. Le personnage de Pénélope prend une figure humaine intéressante. Le quotidien de cette mère qui invente des histoires pour rendre la parole à son enfant muet depuis le départ de son père donne au mythe une autre lecture.

Ce mythe est lui-même revisité avec des moments assez savoureux. J’ai particulièrement aimé la présentation de la grande famille des dieux et des liens incestueux qui les unissent. Circé devenant une madame Irma devant sa boule de cristal ou tirant les cartes à Pénélope m’a aussi beaucoup plu.

L’écriture suscite des images de mise en scène voire de marionnettes et je pense que c’est ce qui fonctionne dans cette pièce. Je pense que l’écriture d’une pièce pour personnage et marionnettes doit être tributaire de la manipulation des objets et en ce qui me concerne ma lecture m’a permis de visualiser ces gestes. »

« "Il n’est pas méchant. Il fait du bruit mais il n’est pas méchant… C’est un peu comme un avertisseur, une alarme si tu préfères. On ne sait jamais qui peut nous rendre la visite." J’ai été séduite par cette adresse au public dès le départ qui nous fait immédiatement partager l’intimité du foyer de cette femme simple comme si on était son seul invité, les "nouveaux voisins" étant les autres spectateurs.

Ce qui m’a frappée à la lecture de cette pièce, ce sont les didascalies en caractères plus gros que les dialogues eux-mêmes et qui ne concernent que les éléments de décor.                                                                                                       J’ai immédiatement compris que la scénographie avait une place primordiale pour l’auteur et qu’elle n’était pas a priori laissée tout entière au bon vouloir du metteur en scène.

En effet, le décor et ses éléments sont parfaitement décrits : des marionnettes (oiseau, Pénélope, enfant, Circée … ), une "machine étrange faite d’axes, de courroies et de bobines, où se croisent des fils de laine", un bateau, un mobile (sirènes), des portes à trappes, "un plan horizontal en arc de cercle", la "maison en miniature tirée par un cheval de bois", un tricycle, un décor qui bouge … et une ville qui "s’installe".

Comme indiqué par l’auteur au bas de la page de couverture, cette pièce n’est pas une adaptation fidèle mais une simple source d’inspiration. En effet, transposée dans un contexte différent où époque, lieux, statut social, langage, comportement des personnages, narrateur et point de vue sont différents, l’irréalité de l’œuvre initiale ouvre la voie à un champ imaginaire sans limite. Cela exige la double maîtrise de l’appréhension de l’œuvre initiale et de la forme qu’elle va prendre. 

Ce qui à mon sens fait toute l’originalité et la modernité de cette pièce, c’est que Pénélope (qui est la narratrice) nous conte qu’elle n’est pas restée à attendre Ulysse sans rien faire : elle l’a cherché sur terre puis sur mer sans succès, puis elle s’est résignée à ne plus bouger pour être là "quand il reviendra". Pénélope a donc vécu en parallèle de celle d’Ulysse (ou presque car sous une chronologie et une temporalité différentes) sa propre odyssée !

Dans cette transposition, Pénélope est avant tout mère plutôt qu’épouse. Sa force, c’est son fils. Son amour inconditionnel, c’est à lui qu’elle le voue. Son espérance, c’est en lui qu’elle la place car elle a la conviction qu’il accomplira de grandes choses "qu’il porte en lui" quand son père reviendra. »

« J’ai adoré cette pièce que j’ai dévorée et relue plusieurs fois. Je la retiens avec joie et enthousiasme. En tant que comédienne, c’est une pièce que j’adorerais interpréter un jour. »

Christine, Elsa, Yves

 

L’Homme venu du Fleuve

De Pierre Astrié

 

Texte en lice pour l’Eclat de Cœurs 2020

Genre : comédie dramatique

Nombre de personnages : 2 F / 3 H

Thème :               Famille je vous hais… Ou chronique de la violence ordinaire

                               La famille et tout ce qui s’y joue entre les différents membres, la haine, l’amour, l’incompréhension, les regrets, les remords, insatisfaction, les reproches incessants, la violence verbale, ici, sur fond de misère sociale et morale.

La fable

« Le père et la mère se sont connus au bord de l’eau ; il était le meilleur nageur de la région.

Un des fils est parti de la maison depuis dix ans et n’a plus donné de nouvelles depuis.

Sa famille, ordinaire, semble comme en respiration suspendue : un père qui lit le journal ou regarde la télé, une mère qui fait tout le reste en râlant, un fils qui cherche paresseusement du boulot et une fille qui veut plaire, à son âge.

Le père est en fait handicapé et marche en béquilles, en attente d’une opération, qu’il ne se décide pas à subir.

La mère surveille sa fille à outrance et quand celle-ci disparaît pendant quelques heures, sans explication, c’est la psychose.

Mais elle finit par revenir avec un réfugié, sorti du fleuve dans lequel elle voulait se jeter. Elle demande à ses parents de le cacher dans la chambre du fils disparu.

Ils refusent tous en bloc.

On les retrouve un ou deux ans plus tard, la fille a disparu avec son prince-réfugié, la mère s’est suicidée, le père s’est fait opérer et le fils a tourné homme politique extrémiste ( ?) et est devenu  père à son tour. Ce dernier annonce à son fils qu’il part en mission humanitaire en Méditerranée, pour tenter d’expier sa faute passée. »

Ce que j’en pense

« J’ai lu avec beaucoup d’intérêt ce texte qui m’a happée dès les premières répliques. Je l’ai trouvé dans son ensemble très dur, très noir, très réaliste aussi et très ancré dans notre actualité sociale et politique ! La machine à broyer avance inexorablement dans cette famille très modeste dont le père dit « nous n’avons pas eu beaucoup de chance jusque-là ».

J’ai été « saturée » par les conflits incessants qui donnent à ce texte quelque chose d’irrespirable : un texte dur, avec des mots durs, des insultes crachées par les personnages, des menaces de mort.

Il y a peu d’espoir là-dedans, et pourtant, le coup de théâtre que constitue l’arrivée de « l’homme venu du fleuve » va faire voler en éclats cette famille, avec au passage des dégâts irréversibles, comme le suicide annoncé de la mère, mais va aussi permettre la fuite que je pense libératrice de la fille et la prise de conscience du père et ça fait du bien !

Les quatre personnages de la famille sont extrêmement bien dessinés, ils ne tombent jamais dans la caricature, même si ce sont des personnages types, ou des types de personnages déjà rencontrés au détour d’autres textes ou films. Ils sont complexes, ces personnages et derrière le réalisme de leurs propos, des choses très concrètes sont dites, proférées, et à la fois, on sent derrière les mots, tous les non-dits, les rancœurs, les jalousies, les peurs et même la haine… J’y ai senti de l’amour aussi, qui ne se dit jamais parce que ça ne se dit pas… Et puis je n’ai pas « réussi » à les « détester » ces personnages, derrière leur violence, on sent les failles… Même le fils, dont on comprend qu’il prend sa carte dans un parti d’extrême droite. »

« L’écriture est très actuelle, utilisant le langage sans « chi-chi » d’une famille ordinaire, mais sans vulgarité surajoutée, j’apprécie. Le père et la mère s’envoient des piques de désamour bien senties…ou d’ennui de la vie de couple endormie. Mais ils sont l’un et l’autre encore dans le souvenir de leur rencontre au bord de l’eau et ne la perdent pas de vue. A travers une jolie robe ou un visage endormi, leur espoir de se retrouver gronde sourdement.

Tous les membres de la famille semblent être en colère de leur vie, si ordinaire qu’ils aimeraient chacun en sortir ils ne savent comment. Ils rêvent encore pourtant et le vrai sujet de ce texte est là, je crois. Comment rêver encore sa vie, à tout âge ?

C’est simple, c’est beau, c’est beau de simplicité, c’est vrai !

C’est tellement simple et beau que l’on sent que l’on ne va pas en rester là et qu’un drame couve, car la violence verbale sourde est omniprésente. 

Le texte est fait de telle façon qu’à ce moment précis de l’histoire, presqu’à la fin, on sent très bien que l’on balance entre une fin heureuse et ce drame pressenti. L’auteur nous fait lambiner, mais pas longtemps toutefois car le dénouement est finalement brutal, dans le sens où plusieurs mois s’écoulent entre l’ultimatum posé par la fille et la famille explosée qui en résulte. Mais c’est clairement un parti pris de l’auteur, qui nous laisse osciller dans cette dernière scène entre deux fins diamétralement opposées. Je trouve cela réussi, car il n’y a qu’un iatus entre les deux et cela laisse à mon esprit quasiment le choix. »

« J’aime vraiment cette pièce à l’écriture fluide qui décrit finalement une famille bien ordinaire et à travers elle un des plus grands maux de notre société, l’absence de communication. Comment des êtres doués de la parole sont finalement incapables de s’entendre quand ils se parlent. On sent en eux pourtant une réelle sensibilité de la part de tous, une envie profonde de pouvoir s’aimer, se comprendre et s’entendre. Leur sensibilité ne me laisse pas insensible, je la trouve juste. Cependant cette absence de réelle communication amène cette famille à exploser. Je trouve le questionnement de la pièce intéressant. Pourquoi des êtres doués de parole et d’entendement arrivent-ils à ne pas s’entendre ?

Claire, Jean Luc, Michèle S

Publié dans Comités de 2019

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